Sur l'autre rive
“Un théâtre spectaculaire : Sur l’autre rive, ou l’art du paraître”
Avec Sur l’autre rive, Cyril Teste repousse les limites de la scène en mêlant théâtre et cinéma dans une performance où la technique est reine. Si cette prouesse technologique éblouit et capte l’attention, elle semble pourtant masquer un manque de profondeur narrative, donnant à voir une œuvre où la forme l’emporte sur le fond. Un théâtre spectaculaire, certes, mais peut-être trop brillant pour être sincère.
Sur l’autre rive est une pièce de Cyril Teste. On y suit en caméra embarquée une dizaine de mondains lors d’une soirée huppée. Pour accentuer la sensation de profusion, le metteur en scène invite une vingtaine de figurants sur le plateau à déambuler après une journée de rodage, amenant de la foule et de la vie.
J’ai précisé caméra embarquée, car la technique joue un rôle central dans la construction de la pièce. Celle-ci débute par une vidéo diffusée sur un écran composé de quatre télévisions dévoilant la première scène du spectacle en hors cadre. Ce procédé filmé par un comédien puis par le staff permet d’avoir une double vision de la scène, à la fois la vue classique au théâtre frontal, avec un aperçu large de toute la scène et une vue plus intimiste en gros plan dirigé comme au cinéma. Les images sont transmises sur les écrans frontaux, puis projetées sur le mur supérieur tout au long de la pièce.
On peut souligner un premier problème : on passe notre temps à regarder l’écran et à chercher la scène effective sur cet immense plateau fourmillant de gens, ce qui donne une impression constante de “Où est Charlie ?”. Mais heureusement que ce procédé cinématographique, qui fonctionne admirablement bien d’ailleurs, est présent pour nous occuper, Car, sur le plan narratif, Sur l’autre rive n’offre qu’un pâle écho de Platonov de Tchekhov. Certes les acteurs jouent bien, mais l’ensemble ressemble davantage à une pièce de technicien avec un joli habillage, plutôt qu’à une œuvre allusive. Avec une scène finale qui semble également écrite pour les comédiens et non pour la cohérence de l’histoire dans une scène de folie que je trouve ridicule.
Cela dit, la double vision dirigée par la caméra et libre sur le plateau est extrêmement intéressante pour comprendre les manœuvres de captation du spectateur à l’usage dans ces deux arts dramatiques que sont le théâtre et le cinéma. Tel que la perception de la profondeur de champ qui peut jouxter deux personnages sur l’écran quand ceux-ci sont espacés de plusieurs mètres.
En somme, pour moi, c’est un Marvel du théâtre : éblouissant, spectaculaire, captivant, mais dissimulant habilement son vide et sa faiblesse évocatrice.